La Collision des Mondes

Auteur : Sam Cornell
Édition : Livr’S Edition
2020
Genre: Euh…
J’aurais tendance à dire que La collision des Mondes est au livre ce que la BB crème Chanel est au fond de teint Franprix, en étant bien consciente que ma métaphore ne sera certes pas limpide pour tout le monde. Sans aller jusqu’à hydrater, apaiser, raffermir, illuminer, protéger et matifier votre peau, l’œuvre de Sam Cornell foisonne d’une multiplicité de genres littéraires et de concepts intellectuels qui en font un ouvrage inclassable pour le plus grand bonheur des amateurs de variété.
Résumé :
« Un bien étrange suicide que voilà ». La missive glissée sous sa porte invitait Calvez à revoir les conclusions de son enquête. Et si finalement Galantier avait été assassiné. Mais par qui ? Et pourquoi ? En reprenant ses investigations, Eduardo Calvez sera confronté à une affaire plus complexe qu’il ne l’imaginait, où tous les protagonistes se révèleront plus impliqués qu’ils ne le laissaient transparaitre. Derrière le masque paisible et trompeur de la Côte d’Albâtre, se cachent des secrets que la bourgeoisie locale avait pris soin d’occulter. Chaque indice collecté guidera l’inspecteur vers une autre vérité, tout en entretenant ce sentiment étrange qu’il n’est qu’une pièce d’échiquier, chahutée par des adversaires mystérieux, œuvrant de la Normandie jusqu’aux Amériques. Cette enquête le mènera vers les confins du réel, car gravir la généalogie des Malville ne sera pas sans conséquences. L’aide imprévue de frère Guillaume et de mademoiselle Colinet sera la bienvenue, mais sauront-ils résister à la tentation que le mécanisme d’Alhazen a toujours suscitée… ou succomberont-ils à son appel comme ce Rose-Croix trop impatient ?
Après un prologue mystérieux et poétique qui ne déparerait pas à défiler sur grand écran avec une musique pompeuse (ta ta ta taaaaa ta), le volume I conserve cette ambiance cinématographique servi par des descriptions agréables, précises, qui posent une ambiance très particulière à cette séance de polar. Celle de l’hôtel des Bénédictines de Fécamp, par exemple, a irrémédiablement fait résonner à mes oreilles les premières notes de la Toccata*.
Les dialogues sont fluides et les personnages savoureux, dont certains délicieusement archétypaux, distillant un humour léger et savamment dosé, et rappellent, avec de nombreuses scènes comme celle du dénouement, les figures d’Agatha Christie ou des grands maîtres du roman policier du début du XXème siècle.
De nombreux voyages, dans l’espace et le temps, depuis la Guyane jusque Rome et la Louisiane, du début de l’an mil jusqu’au temps de l’action principale (1923), viennent ensuite transformer ce premier volume en une alternance bien mise en scène de guide touristique, manuel d’histoire et roman à suspense, même s’il peut s’avérer déconcertant de passer quasiment sans transition d’un revolver entre les omoplates du héros à la politique du Moyen Orient en 1221. Heureusement, l’écriture fluide, rigoureuse et incroyablement bien documentée de l’auteur se sort à merveille de ces espaces et temporalités multiples risquées.
Le Volume II, temps de repos et de narration où l’action retombe un peu le temps d’un long dialogue où tout les grands concepts des Sciences s’imbriquent entre eux, ou la petite Histoire se mêle à la grande, la distance entre Bien et Mal s’effrite lentement, la Théologie le dispute à la Philosophie pendant que les Mathématiques s’unissent triomphalement au grandes notions d’Astrophysiques. Un volume fascinant, certes, mais que j’ai trouvé exigeant pour le lecteur qui cherche encore les traces du fameux antagoniste évoqué depuis le début dans ce passage fourmillant de références et d’idées. Les portes du fantastique s’ouvrent enfin, assez tardivement, quand après avoir voulu « dévoiler les mécanismes de la nature pour les détourner à (leur) profit » les utilisateurs du mystérieux cube d’Alhazen aperçoivent finalement « un univers spirituel se révélant supérieur au nôtre ».
Les notions d’Outre-Monde, de métempsycose se heurtent à la supra-réfraction, s’expliquent et se complètent, et les rites de la sorcellerie, du vaudou, de l’animisme et du chamanisme se fondent dans le puits quantique**.
Bref, cette ode à la Science dans tous ses aspects durant laquelle le héros évolue de façon inattendue, depuis une farouche opposition à son interlocuteur jusqu’à l’intérêt et la compassion, prélude bien à l’épisode IV, où le rythme de l’action repart cette fois à toute berzingue. La lente glissade vers l’imaginaire amorcée s’emballe complètement jusqu’à une dérapade incontrôlée dans l’horreur et le chaos. Je m’abstiendrais, par respect pour votre lecture, de vous en dire quoi que ce soit.
Car je ne saurais que trop vous conseiller de le lire, ce livre qui pose tant de questions, donne aussi tant de réponses et vous emmène dans un voyage spatio-temporel frénétique, et qu’on ne referme pas sans un léger sentiment de tristesse de l’avoir terminé.
Tom Larret
*Voir l’excellent (ou pas) film normand : Il était une fois le Diable.
** Licence poétique, hein.
L’auteur et le livre:
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Et dans vos librairies!
Je vais me le prendre aux Imaginales. J’ai papoté avec l’auteur aux dernières, puis à Ouest Hurlant, et il m’a convaincue de me le procurer. J’ai longtemps hésité, et puis finalement je me suis dit, en lisant ton retour, que ça pourrait être une lecture différente et originale. Sortir un peu des sentiers battus, avec la promesse, si j’en crois ce que tu évoques, d’un moment un peu incroyable !
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